6.1.14

Ma nuit chez Maud (Éric Rohmer, 1969)


Un film qui parle de la vie, de l'amour, des principes bouleversés, s'aidant magnifiquement de la philosophie et des mathématiques pour parler de religion (Blaise Pascal étant au coeur des discussions).
La grande force du film se trouve dans les dialogues: un enchaînement de discussions extrêmement riches, les personnages échangeant des idées, des ressentis sur la vie, la religion, l'amour.
Les deux protagonistes masculins discutent d'un lien entre les mathématiques et la vie, en parlant notamment de l'espérance mathématique.
Jean-Louis rencontre aprés deux femmes et, en dépit son apparente timidité - ou disons plutôt de son respect des conventions de société - il tisse avec ces deux femmes des liens très forts dès le début, en se confiant plus qu'il n'est coutume de le faire et en partageant des choses qu'on ne partage pas habituellement avec des inconnu(e)s.
On se passionne pour ces discussions entre des protagonistes qui voient pour la plupart leurs croyances mises à mal. L'intrigue, sous ses airs d'amourettes et de séductions en tout genre est plus complexe qu'elle n'y parait et jusqu'à la fin, on se délecte de l'évolution des personnages.
Le sujet du film est le pari de Pascal : même si la probabilité que Dieu existe est presque nulle, il est avantageux de croire qu'il existe car le gain est infini. C'est un calcul d'espérance mathématique. La réflexion est introduite par une histoire de trio (et plus) amoureux dont l'érotisme est télépathique.
Par des scènes banales de la vie quotidienne Rohmer exprime des sentiments assez fort. Par des exemples et des images concrètes, il explique du Pascal à son spectateur Par une histoire simple, il exprime un message complexe. L'austère philosophie pascalienne n'intéresse pas tant Rohmer que l'interaction des idées et des principes, quels qu'ils soient (jansénisme, foi, athéisme, marxisme) sur les vies humaines, alors que celles-ci sont avant tout soumises au hasard (léger, mais cruel) et à leurs pulsions. 
Dès les premières images, le spectateur est plongé dans une triste atmosphère de province en hiver. Pendant tout le film, on est bercé entre la neige et la nuit, des rayons de lumière et le grand jour, entre les marivaudages et les pensées sincères. Bref, tout commence à se brouiller, mais il est si plaisant de ne pas toujours savoir dans quelles eaux on navigue ! Les acteurs, Trintignant, Vitez et Fabian, donnent beaucoup de profondeur à leurs personnages, et la discussion pascalienne, qui aurait pu être un peu ennuyeuse, est absolument intense. La douce mélancolie, les tristes réjouissances, font que, à la fin, on ne sait pas si on est mal, si on est bien…mais, pendant 2h, on a vécu quelque chose de particulier, qui marque bien plus qu’on aurait cru.

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